La Cour d’Appel de Paris reconnait le harcèlement sexuel d’ambiance

La Cour d’Appel de Paris reconnait et illustre le harcèlement d’ambiance à caractère sexuel. Il en déduit qu’il conduit à dégrader les conditions de travail des salariés. 

         A) Les faits à l’origine de l’affaire 

Dans cette affaire, une ingénieure a été licenciée pour avoir dénoncé un fait discriminant lié à une différence de traitement en raison de son genre et pour avoir tenu des propos qualifiés de diffamatoires.

Elle a donc saisi le Conseil de Prud’hommes pour contester son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Elle soutient qu’elle a subi un harcèlement d’ambiance à caractère sexuel et sexiste qui a conduit à la dégradation de ses conditions de travail.

Ainsi, fait valoir que son équipe, était appelée équipe “Tampax”, en référence à la marque de protection hygiénique, suite à sa victoire au concours interne Hackathon et qu’elle devait se voir remettre une boite de “Tampax” en guise de trophée.

Pour le démontrer, elle produit notamment un échange de sms dans lequel son collègue indique qu’il ne s’était pas rendu compte du côté blessant de ses propos.

Par ailleurs, elle indique avoir fait l’objet de représailles pour avoir dénoncé un harcèlement discriminatoire.

En l’espèce, les salariés travaillaient en open space et certains utilisaient la messagerie de l’entreprise pour envoyer des mails avec des photos de femmes dénudées ou dans des positions suggestives, accompagnés de commentaires graveleux. Ce qui mettait mal à l’aise l’ensemble de l’équipe féminine puisque les écrans d’ordinateurs étaient visibles des autres salariés.

Pourtant, la direction a diligenté une enquête interne qui a conclu que le harcèlement sexuel n’était pas caractérisé.

           B) Le manque de rigueur de l’enquête interne :

La Cour d’Appel rappelle d’abord les définitions du harcèlement sexuel, des agissements sexistes et des discriminations.

Elle relève ensuite que l’enquête interne présentait des carences et manquait de rigueur dans la méthodologie dans la mesure où la tenue des propos offensants n’a pas fait l’objet d’investigations.

En effet, aucune question sur la dénomination “tampax” n’a été posée, les salariés en charge de l’enquête s’étant bornés à évoquer la misogynie de certains salariés.

           C) Les carences de l’employeur dans la préservation de l’état de santé des salariés 

Ainsi, la Cour d’Appel de Paris a relevé :

  • les difficultés de la salariée à rencontrer la médecine du travail ;
  • l’absence de désignation de référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ;
  • l’absence de conséquences suite à l’enquête interne ;
  • l’absence de procédure disciplinaire.

Les juges en concluent que la société n’a pas rempli son obligation de sécurité et de prévention à l’égard de la salariée.

Pour rappel, la nullité peut être demandée lorsqu’un texte spécifique le prévoit ou en cas de violation d’une liberté fondamentale.

Ainsi, un salarié ne peut pas être licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement, sauf mauvaise foi.

En l’occurence, la mauvaise foi de la salariée n’a pas été démontrée et le harcèlement discriminatoire était établi.

Par conséquent, le licenciement était nul.

          Les préconisations à suivre pour l’entreprise

  • Établir une méthodologie d’enquête rigoureuse ;
  • Interroger précisément les salariés sur les propos tenus ;
  • S’assurer que les salariés travaillent dans un environnement sain ;
  • S’assurer que les salariés peuvent rencontrer la médecine du travail s’ils en font la demande ;
  • Désigner un référent en matière de harcèlement sexuel et agissements sexistes ;
  • Faire de la prévention auprès des salariés notamment par le biais des formations ;
  • Engager des procédures disciplinaires si les conditions sont réunies.

            Arrêt du 26 novembre 2024 de la Cour d’Appel de Paris