Un salarié qui tient des propos à caractère sexuel peut-il être licencié sans être interrogé sur lesdits propos et sans qu’une enquête soit menée ?
Selon la Cour de Cassation, la réponse est non.
A) Les faits à l’origine de l’affaire :
Dans cette affaire, un directeur régional d’une célèbre entreprise d’alcool française, a tenu les propos suivant envers une collègue :
‘‘tiens les deux bouteilles, c’est pour la dernière fois où tu m’as sucé »
Précisons, qu’il avait un lien hiérarchique sur sa collègue.
Ce salarié aurait également précisé qu’il aurait eu une relation sexuelle avec cette salariée et qu’il comptait la rétribuer avec des bouteilles de vin.
Face à ces propos qualifiés de “grossiers” par la Cour d’Appel, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour faute grave.
Il a saisi le CPH pour contester la rupture de son contrat de travail.
B) La décision des juges du fond :
Les juges du fond ont écarté la faute grave justifiant le licenciement pour plusieurs motifs :
- il s’agissait d’un incident isolé, le salarié avait 22 ans d’ancienneté et ses qualités professionnelles étaient reconnues ;
- l’employeur n’avait pas demandé au salarié de s’expliquer sur les propos tenus avant de le mettre à pied et d’engager la procédure de licenciement. Ainsi, il s’est appuyé sur les attestations des témoins et n’a pas mené une enquête contradictoire.
C) La position de la Cour de Cassation :
La Cour de Cassation confirme l’interprétation des juges de la Cour d’Appel et rejette le pourvoi formé par l’entreprise.
Selon les juges de tels propos justifiaient bien la rupture du contrat de travail mais ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise (ce qui correspond à la définition de la faute grave). Il aurait donc dû être maintenu dans l’entreprise le temps du préavis. Cette rupture aurait pu donc être une faute simple ou une rupture pour une cause réelle et sérieuse.
Les préconisations à suivre pour les entreprises :
- Mener une enquête contradictoire dès la connaissance des faits reprochés ;
- Consigner par écrit les comptes rendus des entretiens ;
- Tenir compte de l’ancienneté et des qualités professionnelles du salarié fautif dans le choix du motif de licenciement : cause réelle et sérieuse (moins risqué) et faute grave ;
- Faire appel à un prestataire extérieur pour mener l’enquête.